05 - Chapitre 5 : L'orage

05 - Chapitre 5 : L'orage

Plusieurs jours avaient passé depuis la rencontre de la Loutre avec l'aigle. 

Ses paroles résonnaient encore par moment dans son esprit, comme un écho qu’elle n’arrivait pas à oublier.

Mais elle n’avait pas cherché à en comprendre le sens. Elle était bien trop occupée à découvrir le monde qui s’offrait à elle.

Elle avait suivi le ruisseau pendant un long moment, jusqu’à ce qu’il la conduise à un petit lac bleu.
Un bijou limpide, niché entre les montagnes.
Elle avait décidé d’y rester quelques jours. Juste assez pour profiter des eaux turquoise, du calme, et se reposer un peu.

C’est là qu’elle rencontra un vieux héron cendré, qui s’était auto-proclamé gardien des lieux.
Il avait fallu négocier longuement pour obtenir sa bénédiction.
Même après avoir cédé, le vieux grincheux la surveilla d’un œil jaloux pendant tout son séjour.

Heureusement, elle trouva des compagnons plus agréables : des grenouilles bavardes et curieuses, qui ne sortaient de l’eau que lorsque le héron avait le dos tourné.
Trop effrayées de se faire gober.

La Loutre, elle, passait ses journées à flotter, plonger, explorer.
Sous la surface, c’était un autre monde.
C'était un royaume de cristal qui s'offrait à elle. 

La lumière dansait avec les courants.
Des éclats blancs se reflétaient sur les pierres du fond.
Les plantes aquatiques ondulaient dans un ballet lent et hypnotique, tandis que les poissons glissaient entre elles comme des acteurs silencieux.

Elle, visiteuse bienveillante, s’intégrait à ce tableau sans le troubler.

Parfois, au détour d'un courant léger, il lui semblait que le murmure se faisait entendre. Un chuchotement dans l’eau, discret, insistant.
Comme une invitation à aller plus loin.

Alors, comme elle l'avait promis au vieil héron, elle repartit au bout de quelques jours.
Elle emporta avec elle le souvenir paisible du lac, et la promesse silencieuse d’y revenir un jour.

Elle continua son chemin en suivant le cours d'eau qui serpentait à travers les montagnes. 

Mais la météo, elle, décida de tourner.

Le ciel s'assombrit, les nuages lourds et noirs s'amoncelèrent/ Et bientôt le grondement du tonnerre éclata au loin.

L’orage arriva vite. Trop vite.

La Loutre se retrouvait coincée au milieu d’une prairie, sans abri.
Derrière elle, rien. Devant, que de l’herbe haute et un ruisseau parsemé de pierres glissantes.

Elle se réfugia dans l’eau, espérant qu’une grosse roche la protégerait de la pluie battante.
La nuit fut longue, humide, bruyante, épuisante.

Les éclairs fendaient le ciel.
Le tonnerre faisait vibrer la terre.
Et chaque fois que la foudre tombait près d’elle, elle sursautait, persuadée que la suivante serait pour elle.

Habituellement elle se cachait dans un abris, un terrier, ou même sous les racines d'un arbre ... Ici elle était simplement exposée à la colère du ciel. Seule.

Et pourtant ...

Au cœur de ce chaos, une pensée lui traversa l’esprit.

"L'orage a quelque chose de magnifique"

Le balai d’éclairs dans le ciel, illuminant la prairie d’ombres mouvantes, était terrifiant.

Effrayant oui, mais captivant.

C'est un spectacle qu'elle n'aurait jamais pu observer depuis sa forêt. 

À l’aube, le tonnerre s’éloigna.

La pluie se fit plus douce, presque supportable.

La Loutre émergea de son abri de fortune, trempée, épuisée, mais soulagée d’être toujours là.
Elle se remit à nager, cherchant à s’éloigner du mauvais temps.
Elle avait besoin de dormir. De vrai repos.

Petit à petit, la pluie se transforma en crachin. Et au loin, le ciel s’éclaircissait.
Des percées de lumière illuminaient les montagnes, entre les nuages.

Elle arriva enfin devant une cascade haute d’une dizaine de mètres.
Elle descendit celle-ci sur le flanc, prudente, et chercha si elle pouvait y trouver refuge.

À mi-hauteur, quelque chose attira son attention.

L’eau de la chute ondula soudainement, comme un rideau qu’on écarte.
Derrière, une cavité sombre apparut, une fraction de seconde.

La Loutre s’arrêta net.
Avait-elle rêvé ? Était-ce la fatigue ?
Elle cligna des yeux. Hésita.
Puis… le phénomène se reproduisit.

Cette fois, elle en était sûre.
Il y avait une caverne derrière la cascade.

Un abri.
Peut-être même plus que cela.

D'un geste souple et contrôlée, elle bondit sur une pierre proche et s'approcha avec prudence.

Elle glissa sa patte dans le rideau d’eau, s’attendant à une pression violente.
Mais non.

L’eau se déplaça d’elle-même, comme pour l’inviter à entrer.

Comme un rideau qu’on entrouvre pour laisser passer la lumière,
le mur liquide se fendit, révélant un passage discret mais clair.

La Loutre, ébahie, entra.

 


Retour au blog